plagiaire
(playa del Silencio, Cudillero, Oviedo, Espagne, le 13 août 02)
Le bateau-taxi accosta. Un jeune couple grimpa à bord et je reconnus la fille presque aussitôt. Nous avions fréquenté les mêmes bancs de fac durant une année ou deux, sans jamais vraiment nous parler. C’était une grande et belle fille un peu sauvageonne, qui séchait volontiers les cours quand elle ne débarquait pas dans l’amphi avec vingt minutes de retard. Myriam peut-être, ou Valérie. Je lui trouvais un charme mystérieux, une désinvolture un peu surjouée, comme une actrice qu’elle avait peut-être rêvé de devenir. Aux fréquentes froissures sous ses yeux le matin, aux coussins gercés de ses lèvres, je m’étais habitué à lui prêter des nuits agitées. C’est sûr, elle devait vivre des histoires d’amour passionnées, de préférence avec des hommes plus âgés qu’elle, peut-être des directeurs de communication ou bien des journalistes. J’aimais les blousons de cuir râpé qu’elle portait, j’aimais ses jeans et ses bottes noires qui forçaient son air rebelle et frondeur. Et je la retrouvais ici, à douze mille kilomètres de Grenoble, en pleine mer de Chine. Comme le monde est petit ! Petit, le monde et cruel, le temps. La fille que j’étais en train de dévisager depuis quelques secondes sur ce bateau perdu avait vingt ans à peine. Et voilà presque autant d’années que je n’avais plus revu ma secrète étudiante.