sous l'automne, la page
Aérer, juste après l'aube, son petit moral dans les futaies rougeoyantes, promener sa mélancolie sous les rais embrumés de l'astre humide, confier ses peines indicibles aux limaces qui rongent les vieux lactaires, guetter la stridence maladive d'un dernier grillon. Ne rien perdre de l'heure ni des choses. Admettre sa solitude contre le tronc crevassé d'un sapin, respirer l'odeur forte de résine et d'humus mêlé. Se dire que tout ça existe encore, les touffes folles à l'anse des ruisseaux, les pépiements ténus des roitelets à la couronne des arbrisseaux, la mousse qui étoile les murs délabrés d'une ancienne chaumière. Laisser l'intuition s'éveiller par-delà ses habitudes de penser. Croire à ce qu'on voit, voir ce qu'on regarde, regarder ce qu'on veut. Et la vouloir, cette nature bruissante, capiteuse, fumante. Grelots aigres du cornouiller ! Or et onyx des salamandres ! Jupe froissée de l'amanite ! Il est là, le chevreuil jaillissant des bouquets de fougères ! Vous le verrez aussi, le lourd rapace fuyant le bec imprécateur des corneilles.
Pour le loup, il faudra peut-être se raconter encore beaucoup d'histoires.