la mélancolie du crapaud
(crapaud masqué - Bufo melanostictus, Kuala Selangor, Selangor, Malaisie, le 29 juil.05)
Nos sociétés s’effarouchent au seuil de forêts trop profondes et dans les herbes trop hautes, de la même manière qu’elles se détournent de la rugosité des êtres. Elles voudraient nier l’obscurité (on a planté de nouveaux lampadaires le long de ma rue), refuser les jungles comme les passions inextricables, retenir les jaillissements des corps, prévenir l’errance du désir, n’envisager que le quantifiable, le décodé et le lisible. Il ne saurait y avoir de joies angoissantes ni d’animalité assumée autrement que par la compulsion d’achat. Il n’est plus de temps ni de valeur à accorder à l’ombrage et à la mémoire, à l’émerveillement ou à la mélancolie. Notre soif d’apprendre est vendue en faim de reconnaître : surtout ne pas aller au-delà de l’immédiateté rabâchée. On se rassure, on se berce, on s’endort. Et l’édredon de certitudes fait un linceul à nos rêves. Sait-on qu’une société sans rêve est une société qui meurt. Et que seul l’inconnaissable nous donne une idée de l’amour…