le déclin des tortues à pas de lièvre
(Rantau Abang, Terengganu, Malaisie, le 15 août 05)
Quelques guides touristiques décrivent encore l’endroit comme l’un des
principaux lieux de ponte de la tortue-luth en Asie du Sud-Est. Dans
l’histoire récente de cette région, les reptiles débarquaient ici par
centaines durant les nuits d’été, et spécialement de pleine lune, pour
déposer leurs œufs sous le sable. Jusqu’au milieu des années 1980, la
présence de ces géants des mers (3 mètres de long, 750 kilos) offrait
un merveilleux spectacle, au point d’encourager la région à créer des
hôtels spécialement dédiés à l’observation des tortues. Et puis on a
commencé à s’apercevoir que ces jolies plages étaient moins animées. De
plus d'une millier d'animaux, les effectifs étaient tombés à quelques
centaines dix ans plus tard. La chute s’est dramatiquement accélérée à la fin des
années 1990, où seulement trente à quarante tortues étaient comptées. Douze en 2000, huit en 2001, trois en 2002. Depuis cette
date, plus aucune tortue-luth n’est venue pondre à Rantau Abang.
Membre
du National Geographic Society et de la Malaysian Nature Society, Mohd
Razali Bin Che Ali nous a exposé les causes de ce désastre. Les animaux sont victimes de la pêche industrielle
qui s’est développée en Mer de Chine depuis vingt ans. Les tortues se
laissent piéger dans les filets et meurent noyées. Les sacs plastiques
qui flottent à la surface de l’eau représentent un autre danger : les
tortues croient avoir affaire à des méduses et s’étouffent après les
avoir croqués. Mais monsieur Razali Bin Che Ali pointe surtout son
doigt vers la Thaïlande voisine : « Les pêcheurs thaïlandais n’hésitent
pas à braconner la tortue-luth pour augmenter leurs revenus. Le prix de
la chair des tortues, qui constitue un mets de choix, peut grimper très haut au
marché noir ». La Malaisie serait intervenue auprès de la Thaïlande
pour exiger une surveillance plus stricte mais celle-ci ne semble pas tout
à fait décidée à multiplier les postes de garde-pêche, quand bien même l'animal bénéficie d'une protection internationale.
Les
tortues-luths ont déserté les plages et la station balnéaire de Rantau
Abang s’est
assoupie. En stage pour la municipalité, des étudiants en marketing
touristique ont voulu recueillir nos impressions sur cette étape. Leur
enquête doit les mener à imaginer des pistes pour relancer
l’attractivité de cet endroit
aussi charmant que désolé. Mohd Razali Bin Che Ali croit au
redéploiement économique par un écotourisme doux, qui prendrait en
compte d’autres atouts du lieu : sa richesse ornithologique, ses lagons
propices au kayak, sa jungle proche. Il vient d’ailleurs d’y créer le
D’Pengkalan, un équipement adossé à la plage proposant chambres,
restauration et animations nature. Juste à côté des murs blancs et
bleus d’un centre d’études des tortues qui a l’air de bien s’ennuyer…
Plus d'infos sur le programme de protection des tortues en Malaisie