croque vacances (part II)
(crocodile américain - Crocodylus acutus, Tarcoles, Puntarenas, Costa Rica, le 5 août 04)
Les lumières s’éteignaient et nos lippes scintillantes n’en étaient que plus visibles. Deux heures moins dix, la série de slows, la moiteur rêvée, les vingt minutes qui éclaireraient toute la nuit ! L’expérience acquise sur les étés successifs ne nous avait pas vraiment appris à tirer une méthode efficace. Nous n’étions restés que de jeunes loups aux abois, farouches obsédés de tendresse et de désir, dont l’émotion malmenait invariablement la raison, contestait tout calcul. Sur la piste apaisée, autour des tables rondes, près de la cabine du DJ, au bar ou sur les escaliers : nos approches s’effectuaient dans le désordre et la confusion. C’est que le temps filait contre nous et la concurrence des minets en blaser était imprévisible. Au cinquième slow les jeux seraient faits : malheur aux vaincus quand Prince collerait son Kiss pour amorcer la série funk ! Alors nous semions à la va-vite ces « Bonsoir, tu danses ? » empaquetés de raide, sans effort d’adaptation à la langue (mais cette question n’est-elle pas l’espéranto du dragueur moyen ?) et sans même un sourire, comme le pêcheur trop pressé balance ses filets mal rafistolés. Et c’est peut-être cela qui leur plaisait finalement, cette candeur rudoyée par les verres de Tequila-Gin-Get-Vodka et de cocktail champagne, cette facilité à admettre sans mégoter qu’Eros Ramazzotti composait les plus belles chansons du monde.