une fête
(chez Laurent, Isère, le 17 juil.05)
Il y a des rendez-vous annuels qui balisent l’existence. Par exemple, les retrouvailles familiales, au moment des fêtes, permettent de faire le point sur l’année écoulée. La « fête à Laurent » est désormais de ces moments incontournables, glissée dans les institutions et auréolée de ses légendes. Toujours à la même époque depuis cinq ans, elle fait converger des destins éparpillés le reste du temps. Elle nous tend un miroir sur ce que nous, bande de copains réunis par une même passion, sommes arrivés à faire de nos vies respectives. Alors, qu’est-ce que tu deviens ? Tu as trouvé du boulot ? Tu es venu sans Florence ? Et tu pars où cette année ? Les questions sont restées les mêmes, les réponses sont chaque fois différentes. On s’inquiète de l’absence de certains, des visages un peu anciens qu’on aurait aimé revoir. On salue aussi l’arrivée de nouveaux dans le cercle, des gens qu’on avait déjà vus un peu, de loin, mais pas comme ça, pas sous ces projecteurs braqués à bout portant. Ces « fêtes à Laurent », du nom de leur hôte, se jouent en deux manches. La première nous fait bavarder d’apéros en apéros, puis d’apéros en grillades et de salades en mousse au chocolat (plébiscitée à juste titre), dans la cour de la ferme, près des nids d’hirondelles et sous les nichoirs des rougequeues. La seconde, pas entamée avant deux heures, se déroule dans une pièce plus confinée, et pour un cercle restreint d’initiés. Beaucoup la redoutent et tâchent de s’échapper avant. D’autres ne sont venus que pour ça et se réveillent enfin. Une surprise-partie pour adultes, que l’aube naissante drape d’un voile rose impudique. Paraît-il. Nous ne sommes jamais restés assez longtemps pour vérifier ce qu’une source bien informée nous rapporte généralement quelques jours plus tard. De cette nuit ample et secouée que l’égalité des sourires rassure à chaque fois, un cri a jailli plus vif à la fin. Le cri d’un gros chien gris, percuté de plein fouet sur l’autoroute du retour.