dette de reconnaissance
(place Jamaa el Fna, Marrakech, Maroc, le 9 avril 05)
Parfois le présent se donne à nous comme s’il était le passé. Curieux sentiment dans les rues de Marrakech, où tout ce qui se dévoilait à la nuit semblait m’être déjà familier. Spectateur assisté par de faux souvenirs, je me laissais aller à rêver cette vie au-delà de la vivre vraiment. L’impression d’un « déjà-vécu » se projetait dans le tintamarre des marchands, dans le pli de leurs djellabas, dans la fumée et les odeurs puissantes. J’avais été là avant, et je m’y retrouvais. Ou bien me retrouvais-je tout court. L'illusion était telle que j'en perdais finalement toute notion temporelle. A se demander si le passé n’existe pas au fond, s’il n’est pas en nous, toujours : on serait son passé au lieu de l’avoir. Ce qui a fui et que la conscience rattrape ça et là, ce qu’on nomme passé dans telle circonstance, c’est nous-même. Ce soir-là sur la place Jamaa El Fna, j’affrontais ouvertement mon désir, inexpugnable et toujours retenu, de liberté, de chahut, d'humanité.