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avant la lettre
11 mars 2005

une déontologie de l'émotion

(ténébrion du Namib, canyon de Sesriem, Namibie, le 29 juil. 03)

 

L'émotion est un loup au pelage profond qui se fouille à pleines mains. On creuse l'émotion, agenouillé tel un chercheur d'or, tel un mécréant converti à l'autel d'une femme. L'émotion se chuchote d'elle-même, se suçote à sa source, dans l'apesanteur et la ténuité. Elle n'est pas soutirée par les autres parce qu'elle vaut mieux que ça : on ne la troque pas, on ne l'échange pas puisque sa vérité est immatérielle par essence. Emouvoir n'est pas conditionner : l'expérience émotive est personnelle, elle se vit de soi par soi-même. L'émotion passe en fraude à travers les mailles de l'esprit, même si celui-ci lui offre souvent une caisse de résonnance. L'artiste qui sait émouvoir émeut parce que les fils de son stratagème sont invisibles (c'est le talent), ou alors parce qu'on l'a vu embarrassé par sa propre émotion (c'est le génie).

 

L'animal suscite l'émotion de l'observateur humain, soit parce que la créature renvoie à notre propre geste (émotion de l'unicité du vivant), soit parce que son comportement reste inexpliqué (émotion du mystère). Aidé par ses longues pattes postérieures, le ténébrion du Namib soulève l'extrémité de son abdomen au-dessus des grains de sable pour capter les moindres gouttes d'humidité suspendues dans l'air. L'instant de cette prière est très court : juste après la fraîcheur de la nuit et alors que le soleil pointe à peine, c'est-à-dire au point optimal de condensation (émotion de l'équilibre). La goutte va couler lentement le long de son corps pour atteindre finalement ses pièces buccales. Rien ne vient les matins trop ventés ou la goutte tombe si l'animal est dérangé. Il peut alors ne pas survivre à une journée brûlante (émotion de la fragilité de la vie).

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Commentaires
S
c'est vrai que la photo est superbe, comme toutes celles que tu nous proposes, merci Richard !
P
Quelle incroyable bestiole.. <br /> Quelle photo...<br /> (Si tu retournes en Namibie préviens moi, je fais mon sac :) )
L
merci pour cette photo, je sens qu'elle va m'inspirer :)
R
Oh, Scrabbleur, la lutte pour la survie de cet insecte ne te touche pas ? Mince, j'ai raté mon coup alors. Et pour l'ail sauvage, figure-toi que les premières pousses sont apparues avant-hier, sur ce talus encore sous la neige la semaine dernière !! La remontée spectaculaire des températures, qui devrait s'amplifier ces prochains jours, est en train de tout changer à vue d'oeil. Youpi.
S
les insectes, ténébrions ou autres, ça ne m'inspire pas, quoi que si Rita en fait des sacs, faut voir, par contre l'ail sauvage de ton post précédent oui, fermer les volets le soir et humer à pleines narines cette odeur entêtante... ben on attendra le mois de mai, s'il n'est pas en retard !
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