cette pensée qui ne vient pas
Dans son dernier ouvrage Ce Monde Qui Vient, l'économiste libéral de gauche Alain Minc semble vouloir dissocier les destins de l'humanité et de la nature. Dans une violente diatribe contre José Bové (pour lequel je n'ai moi-même guère de sympathie), l'essayiste interprète le goût de la nature comme symptomatique du manque de confiance de l'homme en lui-même. D'une chiquenaude, il condamne la passion des forêts au même titre que la croisade anti-OGM ou la peur du nucléaire, motivées selon lui par une identique pulsion de peur face au progrès scientifique et technique. Un refuge d'obscurantistes rétifs au développement, une tanière d'ours mal léchés, archaïques et faussement humbles, voilà à quoi ressemble l'écologie selon Alain Minc. Pourtant, cette science ne se résume pas à la défense des ours des Pyrénées ou des papillons des marais et ceux qui tentent d'en innerver les valeurs dans la réflexion globale sur le devenir de l'homme (car il n'est question que de cela au fond) n'ont pas tous la barbe fleurie ni ne se chauffent au bois. Encore une fois dans un ouvrage d'analyse, la nature est intellectuellement sacrifiée. Elle n'est observée ici qu'à travers un prisme utilitariste, fonctionnel et désincarné, à l'exclusion de toute autre unité de valeur. Cette image instillée sous la plume d'Alain Minc renvoie finalement à la conception qu'il nourrit de son prochain. Il assimile ainsi l'homme à une machine économique en mouvement, qui se déplace et se concentre vers les pôles de croissance planétaires (USA, Europe de l'Ouest et maintenant migrations d'un bout à l'autre de la Chine). Jamais il ne l'envisage comme un être doué de sentiments, jamais il ne le voit mû par des considérations autres que matérielles. Le sociologue intègre la défaite culturelle de l'homme dans sa prospective. Persister à croire que seule l'industrie est capable de pourvoir à l'ensemble de nos besoins Alain Minc est fondamentalement un industrialiste c'est la marque flagrante que cet élitisme français, imbibé de partialité et de présomption, reste à repenser.